Mourrir un peu

Un jour, un jour, un jour j’me barre, hasta la vista
Je reste pas sur place, j’attends pas le visa
J’vais parcourir l’espace, pas rester planté là
Attendant que j’trépasse et parte vers l’au-delà
Mourir sous les étoiles, pas dans de petits draps
J’vais soulever des montagnes avec mes petits bras
Traverser des campagnes, des patelins, des trous à rats
M’échapper de ce bagne, trouver un sens à tout ça
J’vais rallumer la flamme, recommencer l’combat
Affûter ma lame pour replonger en moi
Un fantôme se pavane dans son anonymat
Rêve d’un pays d’Cocagne où l’on m’attendrait là-bas
Car dans la ville je meurs à nager dans des yeux
Des regards transparents qui me noient à petit feu
La zone est de mépris, la vague est d’indifférence
La foule est un zombie et je vogue à contresens

Gaël Faye – Tôt le matin

Salut ma ville,
je suis partie. Un peu vite, un peu discrètement ; je n’ai pas voulu te déranger. Je t’ai aimé ma ville. Je t’aime toujours. On n’efface pas dix-huit ans d’histoire commune comme ça. Mais voilà, là, maintenant, j’ai besoin d’autre chose. Tu sais, c’est avec toi que j’ai vécu ma deuxième vie, ma vie d’homme. On s’est baladé, moi dans tes bras, alors que tu me montrais des recoins magiques. Tu m’as fait le grand spectacle un nombre incalculable de fois. Je ne regrette rien de nous. C’était beau, c’était juste et doux. Je n’ai jamais eu d’amertume pour toi. Nous deux, ça reste une fierté. Je t’ai dans la peau, et je laisse un peu de moi en toi aussi, comme la promesse d’un retour, un jour. En vérité, je ne peux rien promettre, mais j’aime à croire que c’est un hiatus, qu’on aura encore des bouts d’histoire ensemble à l’avenir. Je sais aussi qu’on ne vieillira pas ensemble. Trop de bruit, trop de solitudes dans la foule. Je sais que tu fais de ton mieux, on prend juste des chemins différents.
Avec toi j’ai fait des rencontres incroyables. Je t’en remercie. J’ai aimé des hommes et des femmes sous ton regard embruiné, j’ai été très haut et très bas. J’ai douté, j’ai espéré. J’ai même eu quelques certitudes un peu idiotes. Mais quand je les ai désassemblées à la pince à épiler, tu ne m’as pas jugée ; au contraire. Tu m’as regardée changer d’une humeur constante. Je te remercie pour Sophie. Je te remercie pour Camille, je te remercie pour Marine, et Lille, et Marion, et Francis et Anne et Olivier, Mark, Marc, Hadrien, Fanny, Floria, Géraldine, Mathieu, Camille encore. Et puis toustes les autres. Vraiment. Sans toi je ne les aurais pas rencontré.es.
J’ai du mal à écrire, l’écran est tout brouillé de mes larmes de gratitude. Je te dois tant.
On se retrouvera, ma belle, ma Rennes. Je reviendrai faire la princesse dans tes jupes, j’en suis certaine.
Maintenant je m’envole pour ma troisième vie, ma vie de garçonne aventureuse, d’alchimiste des casseroles, de gribouilleuse au long cours. Je ne t’oublie pas. Je ne t’oublie pas. Je ne t’oublie pas.